Mal nommer
un objet, c'est ajouter

au malheur de ce monde.

Albert Camus.


mercredi 29 avril 2009

Lettre 9: printemps 2009



La nouvelle présentation générale favorise la lisibilité et permet d'insérer des images plus grandes et mieux définies. Espérons en trouver une meilleure encore dans deux ans!

— Israël-Palestine: éditorial de Ha'aretz: La Paix, Maintenant.

Les Trains de Lumière: Travail en cours sur John Cassavetes: Films: 1. Shadows (1958). 2. Too Late Blues (1961). 3. A child is waiting (1963). 4. Faces (1968). 5. Husbands (1970). Intermèdes: 1. John Cassavetes et Tout Godard. 2. John Cassavetes et Antoine Vitez. 3. John Cassavetes et Johnny Staccato. 4. Philippe Méziat nous écrit une contribution exprès à cet ensemble: John Cassavetes, le jazz et la question de l'improvisation. 5. John Cassavetes et sa réception critique.
Images: Éveline Lavenu renouvelle régulièrement ses albums de croquis, acryliques et gouaches.

Liber@ Te: 1. Éric Sadin: Surveillance globale, enquête sur les nouvelles formes de contrôle, suivi de Surveillance globale (2): les fous du roi. 2. Jocelyne Dakhlia: Lingua franca, histoire d'une langue métisse en Méditerranée. 3. Juif donc riche: deux livres sur Ilan Halimi (1983-12 février 2006). 4. Jean-Christophe Bailly: L'instant et son ombre, sur deux photographies.

Le Cheval de Troie: Après sa mort le 4 mars 2009, nous rendons ici un hommage à Bruno Étienne: notre souvenir de l'ami disparu; un texte sur Abd el-Kader: La smala, une confrérie nomade, que l'auteur nous avait donné pour notre revue; et une nécrologie de Xavier Ternisien, parue dans Le Monde du 7 mars 2009: Un intellectuel iconoclaste, et divers liens tout à fait réjouissants.
Leonardo Sciascia: vingt ans après sa mort, Notule sur Leonardo Sciascia, un lien vers Amici di Sciascia, beau site dont la Media Gallery réunit de belles vidéos et audios sur le grand écrivain. Rappelons aussi notre dossier important et, pour les italianistes, Note sull'ultimo enigma, de Diana Angela Di Francesca, sur l'épitaphe de l'écrivain.

Nos balises sur l'islamisme montant: 1. Vallée du Swat, Pakistan: la guerre et la charia.
Nos politiques: 1. Le torchon brûle, note sur Le monde selon K, suivi de Pour en finir avec Pierre Péan. 2. Retour sur Florence Cassez après sa condamnation. 3. Fantasia chez les pigs, Crise de l'Europe, Europe de la crise. 4. Josette Roudaire: Henri Pézerat (1929-2009). 5. Durban 2009: On ne savait pas (notre table de liens). 6. Parole de star: Le rêve brisé d'Arthur.

— Signalons enfin l'existence de
trois stations sur le Jazz: TSF Jazz, Accujazz, Les Allumés du Jazz, et de Deezer, une très pratique radio-vidéo en ligne.

La plupart des articles se retrouvent en défilant les varia et leurs libellés en page d'accueil et suivantes, avec option en lecture plein écran. Utiliser aussi la liste des libellés et Tout retrouver en colonne de gauche et la table générale qui liste tous les articles par auteur.
© Gouache: Éveline Lavenu, vaches, 2009.

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La question juive de Jean-Luc Godard
Pour John Cassavetes
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samedi 25 avril 2009

Vallée du Swat, Pakistan: la guerre et la charia




Il y eut l'assaut de la Mosquée rouge à Islamabad, en juillet 2007. À la fin de cette même année, Benhazir Bhutto fut assassinée à Rawalpindi, banlieue sud de la capitale. En novembre 2008, les talibans pakistanais furent gravement impliqués dans les attentats de Bombay, et leur procès est ouvert depuis mercredi 22 avril à Bombay, le Pakistan ayant admis qu'ils ont été «en partie» préparés sur son sol, l'Inde dénonçant la complicité des services de renseignements militaires pakistanais. Autant de balises de détresse.

En 2007, sous la direction du trop bien nommé Sufi Mohammad, qui vient de décréter la démocratie «non islamique», les talibans pakistanais prirent le pouvoir dans la vallée de Swat, naguère connue sous le nom de "Suisse pakistanaise", berceau de l'art gréco-bouddhique anté-islamique dit
Gandhara, au taux de scolarisation féminine particulièrement élevé, victoire qu'ils marquèrent aussitôt par la défiguration du Bouddha géant de Jehanabad datant du VIIe siècle, avec l'intention d'y appliquer la
charia. L'État pakistanais intervint militairement, passa avec les talibans un bref accord de paix fin mai 2008, mais les combats reprirent bientôt, tandis que les écoles de filles furent fermées et détruites, les cinq prières par jour devinrent obligatoires, les femmes furent renvoyées des usines, interdites de marché, et enfermées à la maison, les policiers décapités, la vaccination anti-polio interdite au titre de «complot occidental visant à stériliser les bébés", les châtiments expéditifs exécutés en place publique et retransmis en vidéo sur le web.

Faisant suite à ce qui est désormais une tradition d'État, puisque de semblables accords avaient déjà été signés en 2005 et en 2007 dans les zones tribales voisines, Asif Ali Zardari, veuf de Benhazir Bhutto et nouveau président du Pakistan depuis septembre 2008, a signé
le 14 avril dernier un nouvel accord et a obtenu avec ce texte un unanime appui parlementaire, même si ce marché de dupes — la paix ou la charia — semble avoir recueilli moins de soutien dans son peuple: la charia est désormais officialisée dans la vallée de Swat et, en contrepartie, les talibans devront déposer les armes. Les talibans se sont empressés de signer d'une seule main cet accord, et la charia de fait devenue charia de droit a donné un nouveau dynamisme aux tribunaux islamiques dans le nouvel émirat, beaucoup plus soucieux d'instaurer la terreur politique et sociale qu'une soi-disant moralisation religieuse.

En effet, dès le lendemain, leur porte-parole et gendre de Sufi Mohammad, Muslim Khan — faut-il commenter cet autre éloquent patronyme? — a prévenu que les combattants, liés à
Al-Qaîda et aux talibans afghans, allaient continuer le jihad afin d'étendre la loi islamique à tout le pays et, par voie de conséquence, à son armement nucléaire (1). Le 22 avril, soit une semaine après avoir signé l'accord, les miliciens islamiques ont conquis, de la main demeurée libre dite manu militari, un nouveau district, Buner, à une centaine de kilomètres d'Islamabad, barrant les axes routiers et prenant le contrôle de bâtiments officiels, de diverses ONG et de mosquées. Aujourd'hui, 25 avril, Muslim Khan assure que, conformément aux accords passés, ses hommes sont en train de se retirer, tout en confirmant que certains, dont il ne peut donner le nombre, sont restés sur place. Ce contre quoi — un accord est un accord — les talibans ont obtenu la promesse des autorités de hâter l'installation de la charia à Buner. Au rythme des attentats-suicide, Peshawar, la capitale de la province du Nord-Ouest, et Islamabad elle-même, qui vient de subir sa seconde attaque contre ses policiers en moins de deux semaines, attendent leur tour.

À Genève, la
Conférence mondiale contre le racisme, que c'est désormais «durbanophobie» d'appeler autrement, préparée sous présidence lybienne, et sous vice-présidences de l'Iran, de la Russie, du Cameroun et, bien entendu, du Pakistan déjà à la tête de l'Organisation de la Conférence Islamique, a abouti, dès le mardi 21 avril, à un texte fort consensuel que notre Ministre des Affaires étrangères a qualifié de miracle historique majeur, grâce au travail acharné et lucide des Européens.

À Islamabad où, la même semaine, l'Histoire majeure de l'ère nucléaire a pris un nouveau rendez-vous, les miracles n'apparaîtront qu'à ceux qui y auront prêté foi.

1. Lundi 27 avril, le président Asif Ali Zardari a sans doute cru rassurer une partie de son opinion publique, inquiète, certes, de la menace croissante des talibans sur l'exercice du pouvoir politique, mais minée par un antiaméricanisme qui prend les proportions d'une frénétique paranoïa, en déclarant: «L'arme nucléaire dont dispose le pays est entre de bonnes mains.» Un miracle de plus.

© Photographie: Le Bouddha de la vallée de Swat, auteur non identifié, tous droits réservés.

mercredi 22 avril 2009

Durban II: On ne savait pas




Nous renonçons à commenter le jugement de notre Ministre des Affaires étrangères et européennes selon lequel la déclaration finale commune de la Conférence mondiale contre le racisme qui vient de se tenir à Genève est "un texte historique majeur, dont l'adoption tient du miracle". Nous allons donc à présent être amplement informés par l'inévitable concert de louanges autour des excellents résultats de l'Europe à cette conférence. L'abondance des commentaires (ou, j'ose l'espérer, le flop de mépris devant l'énormité d'une telle profération) sera à la mesure de l'immense silence qui accompagna la préparation de l'événement, son contexte et ses acteurs.
Depuis le 18 décembre 2007, nous sommes revenus à cinq reprises sur la conférence dite de Durban II (jusqu'à ce que soit une preuve avérée de «durbanophobie» de la désigner ainsi: adieu donc à Durban II, dont acte). Le passé n'étant pas mort et n'étant même pas tout à fait passé, les amateurs d'histoire et peut-être aussi de mémoire (mémoire d'avenir aussi bien) pourront retrouver ces textes en pages intérieures par ces liens.


— 1. 18 décembre 2007. Durban 2009.
2. 28 février 2008. L'ONU contre les droits de l'homme (2), appel de la LICRA.
— 3. 25 avril 2008. Caroline Fourest: Le cauchemar annoncé de Durban II (3), Le Monde. Depuis cette annonciation, et sans aller jusqu'à crier au miracle, ses positions sur cette conférence se sont depuis largement nuancées. Faut-il voir dans cette évolution l'effet d'un réalisme que nous appréciions naguère très positivement?
— 4. 17 juin 2008.
Durban 2009, (Genève) Islamophobie, (4) (suivi de AFP Genève).
— 5. 2 novembre 2008.
Durban 2009 (5), réunion préparatoire d'octobre 2008
.

Image: Fra Angelico,
Annonciation, fresque au couvent de San Marco, à Florence (1430).

mardi 21 avril 2009

John Cassavetes, invité 1. Philippe Méziat: jazz et improvisation

Suite à toutes les contributions sur le jazz dont il nous régale, notre compagnon Philippe Méziat a la bonne idée d'inscrire sa contribution dans notre travail en cours sur John Cassavetes.

John Cassavetes, le jazz et la question de l'improvisation.Ce texte a été publié dans Pour John Cassavetes, paru aux éditions Le Temps qu'il fait.

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© John Cassavetes, Too late blues (1961).

lundi 20 avril 2009

La paix, maintenant!



Puisqu'il continue à être assez rare que nos journaux donnent à lire ces voix, nous reproduisons ci-dessous l'éditorial du journal
Ha’aretz, en date du 19 avril 2009, traduit de l’hébreu par Charlie Szlakmann pour La Paix Maintenant.

La paix, maintenant! — L'Histoire offre peu d'occasions permettant de modifier en profondeur la réalité politique. Pourtant, il semble qu’aujourd’hui se profile une telle opportunité. Le plan de paix du président des États-Unis, Barak Obama, offre l’une de ces rares conjonctures où un réel changement est possible pour Israël et l’ensemble de la région. Il ne faut pas la manquer.
Le plan, dont les fondamentaux ont été récemment révélés par Akiva Eldar dans
Ha’aretz, comprend l’établissement de pourparlers bilatéraux entre Israéliens et Palestiniens et, parallèlement, entre Israéliens et Syriens, dans l'esprit de l'initiative de paix saoudienne; celle-ci proposait à Israël une normalisation avec le monde arabe en échange d'un retrait des territoires et de la constitution d'un État palestinien.
De leur côté, les États-Unis proposent à Israël un ensemble de mesures sécuritaires, comprenant la démilitarisation des Territoires et la présence pour plusieurs années d’une force internationale. Ainsi, ce plan vise à instaurer une paix globale dans cette région, qui n’arrive pas à se libérer du cercle de la violence depuis des dizaines d’années.
C’est le moment de voir les choses en grand. À l’ancien-nouveau chef du gouvernement, Benjamin Netanyahou, s’offre l’occasion de surprendre le monde entier, de se débarrasser de formules passées désormais vides de sens, de faire preuve d’audace et de répondre à cette initiative avec enthousiasme et sans faire la grimace.
Le rêve du Grand Israël est désormais abandonné, y compris dans les rangs de la droite. Il faut donc espérer que Netanyahou continuera ce qu’avait entrepris voici trente ans un autre leader issu du même parti, Menahem Begin.
À Washington, siège aujourd’hui un président qui veut marquer le monde de son empreinte en imposant le changement. Il faut espérer qu’à Jérusalem également siège un tel dirigeant. Une partie des régimes arabes aspirent à la paix et la normalisation avec Israël et, tout comme ce dernier, veulent stopper le fondamentalisme. Pour cela, il n’est pas d’arme plus efficace que la paix.
C’est l’opportunité pour Netanyahou d’entrer dans l’Histoire, en tant que dirigeant de droite faisant preuve d’esprit de décision, et conduisant son peuple et son pays à la paix, la sécurité et la prospérité. Il ne faut pas se laisser effrayer par l’envergure de cet ambitieux programme: il est possible d’atteindre à la paix parallèlement avec la Syrie et avec les Palestiniens. Ce n’est pas le moment d’énumérer les difficultés susceptibles d’apparaître en chemin, il faut plutôt s’intéresser aux aspects prometteurs.
C’est pourquoi, le mois prochain, quand Netanyahou se rendra à Washington, il devrait prêter main-forte, se joindre au remarquable effort d’Obama et dire clairement à son hôte: «Oui, Israël le veut, Israël est prêt à la paix maintenant.»

20 juin 2009: Malheureusement,
sur les suites données par le gouvernement israélien et les leaders palestiniens à ces propositions, l'écrivain David Grossman fait état depuis d'un certain pessimisme dans un article du 17 juin dernier publié sur le journal israélien Ha'aretz, et dont nous avions déjà ici recueilli un article le 22 janvier 2009. Mais ces gouvernants et leaders provisoires ne peuvent avoir la prétention de maîtriser à eux seuls les événements à venir.

vendredi 17 avril 2009

Jean-Christophe Bailly: L'instant et son ombre



J'aurai mis du temps pour découvrir aujourd'hui l'un des plus beaux livres qu'il m'ait été donné de lire,
L'instant et son ombre (Seuil / Fiction & Cie, 2008), de
Jean-Christophe Bailly, dont le travail est de poursuivre partout le sens. C'est l'arpentage du temps et de l'espace qui relient et séparent deux (ou trois) photographies: l'une, de 1844, The Haystack, «une meule de foin en plein soleil», tirée du premier livre de photographies au monde, Pencil of Nature, de William Henry Fox Talbot (1800-1877), dont les propos «flegmatiques» et «l'empirisme romantique» montrent une compréhension profonde de ce qu'il vient de découvrir (1), sur la méditation de quoi L'instant et son ombre s'attarde pour l'essentiel; l'autre (ou son double, sans l'objet-échelle), "prise" en 1945 par le flash de la bombe catastrophe (2), posée en sous-texte lancinant par Jean-Christophe Bailly dès l'introduction, mise longtemps à distance, pour brusquement régner sur les dernières pages.
Deux échelles, deux ombres. La première, solaire, dans le luxe de l'invention par Talbot du calotype et de sa sidérante précision photographique; la deuxième — Hiroshima ou Nagasaki —, action directe d'une lumière si intense qu'elle rend toute surface photosensible, sans auteur autre que le pilote du bombardier qui largua la bombe, «ombre absolue, écho sans source», sentinelle volatilisée à l'instant même où se fixe son image: «Cet homme disparu, effacé et présent, ce souvenir d'homme, poudre d'être dispersée, cette sentinelle [...] veille en effet au-delà du temps qui l'a soufflée: à elle seule et comme un absolu de la trace, elle n'est pas tel ou tel individu anonyme: elle est l'espèce entière.» Les références pourraient augurer d'une lecture difficile: bien vite, au contraire, l'écriture musicale, poétique et analytique à la fois, nous emporte vers mille lueurs alors qu'il n'est question que d'ombres, sinue entre la déposition sans pression des impressions sur l'âme de Plotin et «l'inconscient optique» de Walter Benjamin, en passant par la série expérimentale des Meules de Monet qui, en 1889, décida de la vie de Kandinsky; ou va de la pensée magique de Balzac qui, selon Nadar, croyait que la photographie l'épluchait comme un oignon, à La pluie noire de Masuji Ibuse (Gallimard, 1972), qui reconstitue, cinq ans après, les événements d'août 1945, en les tressant avec un journal tenu à l'époque (3). Tout le mystère et la grandeur tragiques de la photographie: «le souvenir d'un rayonnement [...] et la prémonition d'une ruine, ou d'un effacement» est porté d'un bout à l'autre de ce siècle tendu entre ces deux images. En noir et blanc. «Ne m'attends pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche», écrit Gérard de Nerval à sa tante Jeanne, avant d'aller se pendre, dans la nuit du 25 janvier 1855, à une grille d'accès aux égouts, rue de la Vieille-Lanterne.
1. Il existe une traduction française intégrale de ses "Remarques introductives" à Pencil of Nature, mais avec les planches en regard, dans le livre de Sophie Hedtmann et Philippe Poncet: William Henry Fox Talbot, aux éditions de L'Amateur, Paris, 2003. 2. Une autre de ces "Images malgré tout", selon le titre du livre de Georges Didi-Huberman (Minuit, 2003), dont la réflexion sur les images prises par les Sonderkommando nous servit tant pour la rédaction de notre Jean-Luc Godard et la question juive.

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La question juive de Jean-Luc Godard
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3. L'Instant et son ombre regroupe treize planches d'une évocation rare (si seulement Le Seuil avait accordé un minimum d'attention technique à leur impression), de Talbot, mais aussi de Charles Nègre, de Félix Teynard, et des photographes cosmiques involontaires: Paul Warfield Tibbets Jr (1915-2007) qui, le 6 août 1945, sur Hiroshima largua Little Boy depuis le B29 Enola Gay du nom de sa mère, ou, le 9 août suivant, Charles W. Sweeney dit Chuck Sweeney (1919-2004), du B29 Bockscar, Fat Man sur Nagasaki. Tous deux sont morts au XXIe siècle avec le sentiment du devoir accompli. Qui sommes-nous pour les juger? Mais en tous cas, ni asile de fous ni couvent ni suicide, comme l'affirment d'insistantes légendes, fondées sans doute sur l'histoire du major Claude Eatherly, le chef pilote de l'avion météo Straight Flush qui donna le feu vert «No clouds. Go ahead», dont nous résumons ici l'histoire convulsive, mais qu'on peut d'ores et déjà trouver dans deux sites: L'embrasement du Monde, et Info-Nucléaire, où est publiée la préface de Robert Jungk à la correspondance entre Günther Anders et Claude Eatherly: Avoir détruit Hiroshima, Laffont, 1962.
© Images: William Henry Fox Talbot, La meule de foin, calotype, fin avril 1844, planche X du Pencil of Nature. — L'Échelle et l'ombre imprimée au moment de l'explosion de la bombe, Musée de la Bombe atomique, Nagasaki (document Roger-Viollet).

mercredi 15 avril 2009

Juif donc riche: Ilan Halimi (1983-13 février 2006)



Au début du siècle dernier, après l'Affaire Dreyfus pourtant, quand, quelque part dans le monde, un juif voulait donner une idée de son bonheur, il usait de ce vieux proverbe yiddish et se disait "heureux comme Dieu en France".

À la veille de l'ouverture à Paris du procès de ses bourreaux, il est nécessaire d'en revenir à Ilan Halimi. Avec l'aide de la romancière Émilie Frèche, la mère d'Ilan, Ruth Halimi, témoigne dans un livre: 24 jours, la vérité sur la mort d'Ilan Halimi, paru aux Éditions du Seuil, Patricia Jolly en donne une trop brève recension dans Le Monde du 15 avril 2009.

La mère d'un supplicié témoigne. — Ruth Halimi a fait inhumer son fils Ilan à Jérusalem, puis s'est assurée que l'on n'oublie jamais qu'il est mort en février 2006 au terme de vingt-quatre jours de séquestration et de tortures dans un appartement vide puis dans une chaufferie de la cité de la Pierre-Plate, à Bagneux, "parce qu'il était juif donc riche". Parce que dans l'esprit de Youssouf Fofana, son ravisseur franco-ivoirien, assisté de son macabre "gang des barbares", la communauté juive est "aisée et solidaire", prête à payer.
Dans
24 jours, le temps du calvaire d'Ilan, Ruth Halimi s'est appliquée à "consigner les faits" qui ont conduit son fils de vingt-trois ans à finir sa vie nu, tondu, le corps brûlé gisant le long d'une voie ferrée parce qu'il a commis l'erreur de suivre un vendredi soir une jeune et jolie cliente — appât venu l'aguicher sur son lieu de travail. Émilie Frèche, romancière et auteur spontanée de La Mort d'un pote (Panama, 2006) — un essai sur le calvaire d'Ilan —, a tenu la plume. Elle livre le récit simple et terriblement éprouvant de plus de trois semaines passées par la modeste famille du vendeur de téléphones portables gagnant mille deux cents euros par mois entre espoir, terreur et abattement, au fil des quelque six cents appels téléphoniques opérés par un ravisseur aux revendications décousues.
Dans cette douloureuse chronologie s'insèrent les éléments d'une enquête judiciaire dont les détails ne sont apparus aux proches du jeune supplicié que bien après sa mort, et dont Ruth Halimi dénonce ce qu'elle considère comme des manquements. Selon elle, la police s'est entêtée à voir dans l'enlèvement une affaire crapuleuse, alors qu'elle était "
avant tout antisémite".
Le silence imposé à la famille Halimi comme le refus de diffuser dès l'enlèvement le portrait-robot d'une des jeunes filles-appâts, au prétexte que cela aurait mis la vie d'Ilan en danger, ont, selon Mme Halimi, fait perdre un temps précieux. Ruth Halimi dénonce aussi plusieurs occasions manquées d'interpeller le ravisseur.
"
Croire que personne n'a rien vu, rien entendu, oui, il faut croire cela pour ne pas risquer de ne plus croire en rien...", souffle-t-elle, sidérée qu'aucun voisin de la cité-tombeau de son fils n'ait remarqué le manège. Car, aux côtés de Youssouf Fofana, pas moins de vingt-huit complices présumés comparaîtront à partir du 29 avril et durant dix semaines devant la cour d'assises des mineurs de Paris. — Patricia Jolly, Le Monde du 15 avril 2009.

Nécessaire d'en revenir aussi au livre d'Adrien Barrot, Si c'est un Juif. Réflexions sur la mort d'Ilan Halimi, Michalon, 2007 qui, partant de ce supplice, tente de comprendre ce qui a pu le rendre possible un an auparavant, dans l'ex-paradis de Dieu. Il nous livre, comme le résume Rudy Reichstadt dans son Blog à part, «des considérations souvent pénétrantes sur la consubstantialité du nazisme et du gangstérisme; l'inanité d'une critique sociale impénitente qui, trop souvent, trouve des excuses à l'injustifiable; le recyclage et le blanchiment de la haine antijuive la plus éculée par le truchement de l'antisionisme; le rapport du marxisme au "fait juif"». Adrien Barrot enseigne la philosophie à l'université de Paris-XII. Il a aussi écrit L'Enseignement mis à mort, Librio, 2000.
Enfin, la meilleure
synthèse détaillée sur ce sujet est fournie par Wikipedia, qui rapporte les faits, les commentaires, les positions des différents acteurs politiques et sociaux. Les différents liens indiquent que le ou les auteurs de cet article entendent le tenir scrupuleusement à jour. Qualité qui rend ls bandeaux de mise en garde apposés en tête par Wikipedia d'autant plus incompréhensibles, surtout si on les interprète comme des précautions de circonstance.

dimanche 12 avril 2009

John Cassavetes 5: Husbands (1970)




Pour la note sur ce film,
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© Photogramme: «La Comtesse», Dolores Delmar dans Husbands, de John Cassavetes, 1970.