Mal nommer
un objet, c'est ajouter

au malheur de ce monde.

Albert Camus.


dimanche 5 octobre 2008

Sophie Calle/G. Shephard: No sex last night


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Sophie Calle raconte: «J'ai rencontré Greg dans un bar à New-York en décembre 1989. Il a proposé de me loger. Il m'a donné son adresse, tendu ses clés, puis il a disparu. J'ai passé la nuit seule dans son lit. Plus tard, je l'ai appelé de Paris pour le remercier, il a proposé de me rejoindre et m'a donné rendez-vous le 20 janvier 1990, aéroport d'Orly, neuf heures. Il n'est pas venu. Le 10 janvier 1991, à dix heures, le téléphone a sonné: "C'est Greg Shephard, je suis à Orly, j'ai un an de retard. Voulez-vous me voir?" Cet homme savait comment me parler. Il rêvait de faire du cinéma. Je rêvais de traverser l'Amérique avec lui. Pour l'inciter à me suivre, j'avais proposé que nous réalisions durant le voyage un film sur notre vie de couple. Il avait accepté et, le 3 janvier 1992, nous quittions New-York dans sa Cadillac en direction de la Californie.»

Une fois de plus, mais pour la première fois en vidéo, Sophie Calle met en scène sa propre vie. Chacun sa caméra filme son regard sur l'autre et enregistre leurs dialogues. Mais chacun murmure aussi pour soi ses pensées, ses commentaires. Nous voilà dans un road movie qui va traverser l'Amérique jusqu'à Las Vegas où Greg et Sophie se marieront réellement quinze jours plus tard, dans un drive-in. Et, pendant cette quinzaine, devant un lit de motel défait, chaque matin le même constat de Sophie: No sex last night.

L'admirable site américain
Ubuweb, dont nous ne cesserons de souligner les services qu'il rend aux arts contemporains, nous offre la version intégrale de ce film unique
(76', essayer mais — 9 novembre 2011: Error 404 not found — la diffusion paraît suspendue). Bien entendu, dans la version américaine, les sous-titres français ont disparu. Mais ne renonçons pas pour autant à nous laisser emporter par ces vagabonds et leur magie: Sophie parle un anglais scolaire tout à fait compréhensible. De temps en temps, lui échappent des phrases en français, et son monologue intérieur est retranscrit en anglais écrit, en sous-titres. Seul Greg Shephard reste désespérément américain. L'essentiel est pourtant dans les images et les sons: fulgurances visuelles prises par une caméra vidéo de pacotille, décompositions bouleversantes de mouvements, chocs entre bruits et silences, humour et énergie de vivre lacèrent ce drame du couple, enfermé quinze jours dans une Cadillac filmée comme une idole, à laquelle Greg réserve ses soins et ses mots les plus doux. En route donc pour le plus beau des mariages d'amour.

Image: © auteur non identifié. Tous droits réservés.