Mal nommer
un objet, c'est ajouter

au malheur de ce monde.

Albert Camus.


lundi 30 juin 2008

Lanceurs d'alerte




Depuis Les sombres précurseurs, travail de François Châteaurenaud et Didier Torny (1999, EHESS) autour des dossiers de l'amiante, du nucléaire et de la maladie de Creutzfeld-Jacob, la notion de lanceur d'alerte s'est popularisée.


À considérer la liste de ces hommes et femmes et des sujets auxquels ils se sont attachés, nous pouvons passer en revue bien des problèmes qui se sont rapidement déclarés comme parmi les plus préoccupants, souvent des affaires d'État: le chimiste Henri Pézerat († 2009) qui, dès 1970, autour du cas de Jussieu, documente et anime le débat public sur l'amiante depuis trente ans; Jean-François Viel et ses études épidémiologiques sur les leucémies autour des sites nucléaires de la Hague; Georges Méar, empoisonné chimique par sa propre maison, à l'origine de l'Observatoire de la Qualité de l'Air; André Cicolella, licencié pour ses études sur l'éther de glycol, rétabli dans ses droits par la cour de Cassation en 2000 après six ans de procédure; Pierre Meneton, chercheur à l'INSERM, poursuivi en justice par le Comité des Salines de France, pour avoir dénoncé la désinformation menée par les lobbies du sel dans l'agroalimentaire, qui vient de se voir donner raison par la justice après deux ans de procédure; Étienne Cendrier, poursuivi actuellement pour diffamation par les compagnies de téléphones mobiles, qui perdent leurs procès l'un après l'autre; Christian Vélot, chercheur proprement persécuté pour avoir souligné les risques sanitaires des OGM dans l'alimentation; Véronique Lapides, montrant le nombre de cancers de l'école maternelle de Vincennes construite sur un ancien site de Kodak; Thierry Souccar, toujours dans l'agroalimentaire, mettant en évidence contre l'Agence française de sécurité sanitaire, les responsabilités de l'industrie des aliments transformés (sucres et céréales raffinées) dans les diabètes et l'obésité.

En mars 2008, le rapport de la mission Lepage a souligné la nécessité d'une organisation formelle de l'alerte, et d'un statut clair protégeant les lanceurs d'alerte, contre toutes rétorsions, privations de crédits de recherche, licenciements, et énoncé plusieurs propositions législatives. Elle doute pourtant de la portée réelle de ce travail, et de la simple motivation des plus hautes autorités de l'État sur la question. La loi de programmation Grenelle I présentée par Jean-Louis Borloo en mai dernier évoque la création d'une fonction de médiation des conflits sur l'expertise et l'alerte environnementale, ainsi que celle d'un garant de la transparence et de la déontologie des expertises.

Une veille documentaire autour de ces dossiers et, singulièrement autour de ces hommes et femmes, actuellement inquiétés ou menacés pour dire tout haut ce qu'ils savent, est organisée de façon fort claire par le site Fondation Sciences citoyennes, mis à jour de façon constante. Il faut donc s'y rendre régulièrement si le souci se fait chez nous sentir d'en savoir davantage.

© Photographie: Albert Einstein, auteur non identifié, tous droits réservés.